Sommaire
- EXPOSE DES MOTIFS
- PROPOSITION DE LOI
- Article 1er – Substitution de l’assiette
- Article 2 – Définition de l’assiette
- Article 3 – Taux de référence
- Article 4 – Modulation selon la part salariale
- Article 5 – Neutralité budgétaire et gage
- Article 6 – Affectation
- Article 7 – Dispositions transitoires
- Article 8 – Entrée en vigueur, abrogations et compatibilité européenne
EXPOSE DES MOTIFS
- Au cours des quatre dernières décennies, l’évolution de la structure productive a profondément modifié la répartition de la valeur ajoutée. La part consacrée aux salaires et aux cotisations sociales dans les sociétés non financières s’est contractée d’environ 11 points, tandis que les revenus issus du capital et les formes de rémunération non soumises à cotisations ont augmenté. Cette transformation structurelle a mécaniquement réduit l’assiette des cotisations patronales qui financent les régimes de sécurité sociale.
- Parallèlement, le volume des allègements et exonérations de cotisations sociales s’est accru, atteignant 211 milliards d’euros d’aides publiques aux entreprises. La Cour des comptes et France Stratégie ont souligné, à plusieurs reprises, l’hétérogénéité de l’efficacité de ces dispositifs, ainsi que leur forte concentration sectorielle et leur faible prévisibilité dans le temps.
- Dans ce contexte, les travaux économiques menés depuis la fin des années 1990, notamment ceux du rapport Chadelat (1999), concluent qu’un financement social fondé sur une assiette plus large et plus stable que la seule masse salariale permettrait de renforcer la soutenabilité du système tout en réduisant les effets de distorsion entre entreprises. Les simulations réalisées à l’époque indiquaient que la substitution totale des cotisations patronales par une cotisation assise sur la valeur ajoutée produirait des effets significatifs sur l’emploi, tandis qu’une substitution partielle aurait un impact plus limité mais positif.
- La valeur ajoutée, en tant qu’indicateur de richesse créée au cours du processus productif, présente une volatilité plus faible que l’emploi ou la masse salariale, en particulier lors des phases de ralentissement économique. Un financement fondé sur cette assiette permet ainsi de réduire les fluctuations cycliques des recettes de la Sécurité sociale. Plusieurs expériences internationales, notamment en Suède lors de la consolidation budgétaire des années 1990, montrent qu’un élargissement d’assiette peut contribuer à stabiliser les recettes sociales et à améliorer la trajectoire financière globale.
- La présente proposition de loi remplace donc les cotisations patronales d’assurance sociale par une Cotisation sur la Valeur Ajoutée (CVA) dont le taux est modulé en fonction du ratio masse salariale / valeur ajoutée des entreprises. Cette modulation vise à tenir compte de la diversité des structures productives et à mieux répartir la contribution entre entreprises intensives en main-d’œuvre et entreprises à forte intensité capitalistique, tout en conservant un rendement global constant pour la Sécurité sociale.
- Pour garantir la soutenabilité du dispositif, un mécanisme annuel de correcteur de rendement est intégré à la loi de financement de la Sécurité sociale, de manière à assurer la neutralité budgétaire. La modulation est encadrée afin d’éviter les effets de seuil, et les entreprises de plus petite taille bénéficient d’une transition spécifique.
- L’ensemble du dispositif propose ainsi une assiette plus cohérente avec l’évolution de l’économie, un financement plus stable, et un mode de contribution mieux adapté à la diversité des modèles d’entreprise. Il renforce la prévisibilité des recettes de la Sécurité sociale, réduit la dépendance aux allègements ponctuels et met fin à des mécanismes fragmentés dont l’efficacité est variable.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er – Substitution de l’assiette
À compter du 1er janvier 2028, les cotisations patronales aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale — maladie, vieillesse, famille, accidents du travail et maladies professionnelles — sont supprimées et remplacées par une Cotisation sur la Valeur Ajoutée (CVA) assise sur la valeur ajoutée brute produite par l’entreprise au cours de l’exercice.
Cette substitution aligne le financement de la Sécurité sociale sur l’assiette la plus représentative de la richesse créée.
Article 2 – Définition de l’assiette
L’assiette de la CVA est la valeur ajoutée brute telle que définie à l’article 1586 ter du code général des impôts dans le cadre de l’ancienne cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), incluant, le cas échéant, les retraitements nécessaires pour garantir une mesure homogène de la richesse produite.
Un décret en Conseil d’État fixe la liste des retraitements relatifs aux produits et charges non opérationnels.
Article 3 – Taux de référence
Le taux de référence de la CVA est fixé à 21 % de la valeur ajoutée brute.
Ce taux correspond à un rendement équivalent aux cotisations patronales supprimées.
Article 4 – Modulation selon la part salariale
Le taux de référence est modulé annuellement en fonction du ratio masse salariale / valeur ajoutée (MS/VA) :
1° Si MS/VA ≥ 75 %, le taux est fixé à 12 % ;
2° Si 63 % ≤ MS/VA < 75 %, le taux est modulé linéairement entre 21 % et 12 % ;
3° Si MS/VA < 63 %, le taux est modulé linéairement entre 21 % et un plafond de 35 % ;
4° Pour les entreprises de moins de 11 salariés, le taux effectif ne peut excéder 15 %, quel que soit le ratio MS/VA.
La médiane nationale MS/VA est recalculée chaque année par l’INSEE et publiée au Journal officiel avant le 1er octobre.
Un décret en Conseil d’État précise les modalités de lissage intra-annuel et inter-annuel afin d’éviter les effets de seuil.
Article 5 – Neutralité budgétaire et gage
Un mécanisme annuel de correcteur de rendement, intégré dans chaque loi de financement de la Sécurité sociale, ajuste le taux de référence afin de garantir un produit au moins égal aux cotisations patronales supprimées l’année précédente.
La perte de recettes résultant, le cas échéant, de la modulation prévue à l’article 4 est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Article 6 – Affectation
Le produit de la CVA est intégralement affecté aux organismes de sécurité sociale selon la répartition suivante :
branche maladie : 45 % ;
branche vieillesse : 35 % ;
branche famille : 15 % ;
accidents du travail et maladies professionnelles : 5 %.
Article 7 – Dispositions transitoires
I. Les entreprises dont le taux effectif de CVA excède de plus de 50 % le montant des cotisations patronales dues au titre de l’année 2026 bénéficient d’un lissage sur cinq ans.
II. Les entreprises de moins de 50 salariés bénéficient :
– d’une exonération totale la première année d’application ;
– d’un abattement dégressif sur quatre ans.
Article 8 – Entrée en vigueur, abrogations et compatibilité européenne
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2028.
À cette date, sont abrogés les articles L. 241-1 à L. 241-19 et L. 241-13 et suivants du code de la sécurité sociale, ainsi que toutes dispositions relatives aux allègements et exonérations de cotisations patronales.
La modulation prévue à l’article 4, neutre en recettes globales et proportionnée à l’objectif d’intérêt général de protection sociale universelle, est compatible avec les articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.